Deuxième jour à Beyrouth.
Je prévois de partir le lendemain pour une excursion d'une journée avec une agence de voyage. Ce n'est pas trop mon truc de voyager comme cela, mais je sens que si je veux découvrir le Liban je n'ai pas trop le choix. En effet, il n'y a pas de bus ou de train pour faire les quelques dizaines de kilomètres qui séparent Beyrouth des sites archéologiques. Je pourrais bien négocier un service mais mon budget ne me le permet guère et surtout, ma connaissance de l'arabe est bien trop limité pour me sentir à l'aise avec cette solution en étant en solitaire.
Je me rends donc à l'agence de voyage pour payer ma journée du lendemain, et de là décide d'aller visiter le quartier ouest de la ville. D'après mon plan, c'est faisable à pieds.
Je marche d'un bon ryhtme. Je me fais confiance, j'ai un bon sens de l'orientation.
Très vite, je remarque la différence entre le quartier dans lequel je réside et celui-ci, plus populaire, plus musulman, plus vivant aussi avec tout ce monde que je croise sur les trottoirs. Ce monde me regarde un peu du coin de l'oeil, en effet, je ne suis pas dans un quartier très touristique et je fais un peu "bizarre".
Au bout d'un moment, je me mets un peu à l'écart pour ouvrir mon plan après avoir essayé d'identifier un coin de rue. Je ne sais pas où je suis. Je décide donc de continuer à marcher jusqu'à ce que je croise une grande artère, plus facile pour se repérer.
Je dois vous expliquer qu'il y a comme un petit problème à Beyrouth : les noms des rues différent souvent. Premièrement, il y a le nom de la rue populaire, celui que les gens utilisent couramment. Il y a aussi le nom de la rue officielle (celle qui serait sur mon plan), mais depuis pas très longtemps et pas grand monde le connait ni encore l'utilise. Et puis, dans la réalité, sur les plaques émaillées, on a le nom du secteur dans lequel on se trouve (le quartier), et puis un numéro de rue (exemple : rue 52). Quelquefois on a aussi le nom de la rue, mais pas toujours, rarement en fait. Le problème, c'est que personne ne sait à quoi correspond le numéro 52, et que si tu demandes aux gens "Où suis-je ?", on va te répondre le nom de la rue populaire, celui qu'ils connaissent, mais pas celui qui est sur ton plan. Donc gratte gratte le cuir chevelu, et pellicules en vue.
Je croise deux universités, remplies d'étudiants. Mais aussi des coiffeurs, des épiceries, des boutiques, des fats-food, des trucs bizarres de leaders politiques et/ou religieux je crois mais dont j'adore la musique qui en émane (si seulement je savais lire l'arabe pour comprendre ce qui est inscrit sur les banderoles noires), des garages, une ville normale si ce n'est que les gens vivent dans la rue, ils ne font pas que passer.
Lorsque je tombe sur une grande artère commerciale, je me pose pour essayer de me repérer. Mais le plan du Petit Futé est entre nous, franchement pourri. Pas de bol, c'est le seul guide du Liban en français qui existe. Un monsieur vient me voir pour voir s'il peut m'aider. Il ne parle pas français, pas anglais, seulement arabe. Heureusement, il reste la langue des mains, des yeux et des mimiques. On peut toujours un peu communiquer grâce au corps, c'est toujours fascinant. J'arriverais quand même à comprendre que je me suis dirigée trop au sud au lieu d'aller vers le nord.
Finalement, je demande mon chemin à un coiffeur qui parle un peu anglais, et en lui disant où je veux aller, il m'indique la direction à prendre.
Sur le chemin, je croise un vendeur de marrons chauds et lui saute dessus J'EN VEUX !!! Je croise aussi un enfant qui vend des billets de loterie et qui me parle sans arrêt. Je ne sais pas ce qu'il veut, mes marrons, mon argent, me vendre son truc, manger, que sais-je...
Et je continue ma marche. Je change de quartier petit à petit, des vieux murs, du lierre, et toujours des chantiers, des immeubles détruits jouxtant des immeubles neufs à peine habités.
Je ne photographie que des immeubles détruits, ils me fascinent. Combien de guerres ces murs ont-ils vécus ? Combien de personnes y ont crié ? Prié ? Ils sont là, blessés, laissés à l'abandon, en attendant qu'un entrepreneur souhaite le supprimer pour le remplacer par un plus grand, et plus moderne comptant toujours 3 chambres avec salle de bains, 2 salons, une cuisine et sa chambre de bonne minuscule attenante, prison des Philippines ou Éthiopiennes.
Je dois vous expliquer qu'il y a comme un petit problème à Beyrouth : les noms des rues différent souvent. Premièrement, il y a le nom de la rue populaire, celui que les gens utilisent couramment. Il y a aussi le nom de la rue officielle (celle qui serait sur mon plan), mais depuis pas très longtemps et pas grand monde le connait ni encore l'utilise. Et puis, dans la réalité, sur les plaques émaillées, on a le nom du secteur dans lequel on se trouve (le quartier), et puis un numéro de rue (exemple : rue 52). Quelquefois on a aussi le nom de la rue, mais pas toujours, rarement en fait. Le problème, c'est que personne ne sait à quoi correspond le numéro 52, et que si tu demandes aux gens "Où suis-je ?", on va te répondre le nom de la rue populaire, celui qu'ils connaissent, mais pas celui qui est sur ton plan. Donc gratte gratte le cuir chevelu, et pellicules en vue.
Je croise deux universités, remplies d'étudiants. Mais aussi des coiffeurs, des épiceries, des boutiques, des fats-food, des trucs bizarres de leaders politiques et/ou religieux je crois mais dont j'adore la musique qui en émane (si seulement je savais lire l'arabe pour comprendre ce qui est inscrit sur les banderoles noires), des garages, une ville normale si ce n'est que les gens vivent dans la rue, ils ne font pas que passer.
Lorsque je tombe sur une grande artère commerciale, je me pose pour essayer de me repérer. Mais le plan du Petit Futé est entre nous, franchement pourri. Pas de bol, c'est le seul guide du Liban en français qui existe. Un monsieur vient me voir pour voir s'il peut m'aider. Il ne parle pas français, pas anglais, seulement arabe. Heureusement, il reste la langue des mains, des yeux et des mimiques. On peut toujours un peu communiquer grâce au corps, c'est toujours fascinant. J'arriverais quand même à comprendre que je me suis dirigée trop au sud au lieu d'aller vers le nord.
Finalement, je demande mon chemin à un coiffeur qui parle un peu anglais, et en lui disant où je veux aller, il m'indique la direction à prendre.
Sur le chemin, je croise un vendeur de marrons chauds et lui saute dessus J'EN VEUX !!! Je croise aussi un enfant qui vend des billets de loterie et qui me parle sans arrêt. Je ne sais pas ce qu'il veut, mes marrons, mon argent, me vendre son truc, manger, que sais-je...
Et je continue ma marche. Je change de quartier petit à petit, des vieux murs, du lierre, et toujours des chantiers, des immeubles détruits jouxtant des immeubles neufs à peine habités.
Je ne photographie que des immeubles détruits, ils me fascinent. Combien de guerres ces murs ont-ils vécus ? Combien de personnes y ont crié ? Prié ? Ils sont là, blessés, laissés à l'abandon, en attendant qu'un entrepreneur souhaite le supprimer pour le remplacer par un plus grand, et plus moderne comptant toujours 3 chambres avec salle de bains, 2 salons, une cuisine et sa chambre de bonne minuscule attenante, prison des Philippines ou Éthiopiennes.
Lorsque je photographie ces immeubles, je repense à mon vieux rêve. Celui d'après avoir voulu être trapéziste. Je voulais être reporter photographe de guerre, je voulais marquer le monde par mes images, le bouleverser et le déstabiliser, le convaincre qu'à travers la beauté de l'image il y a un monde moche avec des civils qui souffrent. Je voulais être un fantôme, passer entre les bombes avec comme seules munitions mes pellicules.
Maman elle a dit que non. Maman elle a dit que je ne serai jamais à la maison, que je ne verrai pas mes enfants et mon mari, que ce serait trop difficile. Résultat, j'ai pas de mari, pas d'enfant, je ne suis plus près d'elle non plus, mais j'ai toujours envie de photographier les traces de balle, les trous d'obus et si j'avais moins peur de leur voler leur âme : les gens.
Maman elle a dit que non. Maman elle a dit que je ne serai jamais à la maison, que je ne verrai pas mes enfants et mon mari, que ce serait trop difficile. Résultat, j'ai pas de mari, pas d'enfant, je ne suis plus près d'elle non plus, mais j'ai toujours envie de photographier les traces de balle, les trous d'obus et si j'avais moins peur de leur voler leur âme : les gens.
Article plus récent Article plus ancien Accueil
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
c'est beau, je me suis promenée à tes côtés, comme un fantôme. On a tous des rêves de gosses, parfois qui ressurgissent des années plus tard, endormis, comme oubliés. Et on constate le fossé entre nos fantasmes d'enfant et la réalité du présent. Tu auras un chum, des enfants. Tu ne seras peut être pas reporter, mais tu garderas le goût pour les voyages et l'immortalisation de faits passés.
grobiz
PS. Maintenant je SAIS pourquoi Casperine est tombée amoureuse (ça se dit tomber en amitié?) de toi. Comment pourrait-il en être autrement, tu es la personne la plus à l'écoute et la plus pertinente que j'aie jamais rencontrée. Ca n'a duré pourtant que quelques minutes...
bumhee a dit…
27 janvier 2010 à 15:04
J'ai a la maison un recueil de photographies "les 100 photos qui ont change le monde" par Life Magazine. Et c'est incontestable: les photos de guerre, de paysages detruits, de civils deracines, sont celles qui prennent le plus aux tripes, qui vous font vous interroger sur le monde.
Ces immeubles detruits sont si beaux et si laids a la fois... mais magnetiques, puissants dans leur decrepitude. On se met a rever a ce qui y s'est passe, a ceux qui y ont vecu.
Tu ne bouleverses peut-etre pas le monde, jolie Mandy, mais tu bouleverses ceux qui t'entourent.
Kisses
babycadum a dit…
28 janvier 2010 à 11:35
Je ne laisse pas de commentaire à chaque fois, mais je suis ton voyage pas à pas, à tes côtés.
C'est un bonheur que de te lire et de suivre ton cheminement. Tu n'es peut-être pas photographe reporter, mais tu es notre reporter à nous et sans aucun doute, tu arrives à nous changer un peu, grâce à tes récits !
Gros bisous
Carina a dit…
1 février 2010 à 14:43