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Je n'avais déjà plus l'envie, plus les mots, mais j'avais ce voyage à raconter. C'était facile, un jour à la fois, une fois par semaine... ou deux...

Pourtant ça ne glissait plus comme avant, les anecdotes étaient, mais je ne trouvais plus l'intérêt de les partager. L'intérêt pour moi je veux dire.
Et puis... Et puis il est arrivé ce que vous savez (presque) toutes. Pour les "presque", je me dois de le dire. Par respect, parce que Shalimar et Aurélie, vous me traquez un peu (gentiment hein) alors que je continue de faire comme si de rien n'était. Je vous dois ce minimum d'explications, le pourquoi du comment d'une fuite de mon blog un peu.... pffffuiiiit comme ça.

Alors voilà, mon frère s'en est allé, brusquement, comme ça, au début du printemps. Vous voyez le genre, celui du pour toujours, "Salut l'artiste" comme on a dit pour Coluche.
C'est pas une excuse valable, mais comment dire... ce blog, ce petit bout de moi, n'était pas aussi important que mon gros bout de moi-même. Et de toute façon, j'étais littéralement bloquée. Alors je l'ai laissé là, puisque de toute façon même sans nourriture il subsistait. "Ça attendra" je me suis dit. Et le temps file, et les mots ne viennent toujours pas, et plus c'est sec et plus le désert s'agrandit à la force du vent et du temps qui passe.

Bah j'ai bien des p'tites histoires de coeur, de poils, de fringues, de famille, d'amis et de vacances. J'ai bien des pensées, des coups de coeur, des coups de mélancolie, on a toujours des choses à dire. Mais lesquelles voulons-nous partager ? Là est la question. Lesquelles et avec qui ? Je n'ai pas peur de la toile pourtant. La Toile est superbe, elle m'a apporté de magnifiques amitiés.

Mais pour l'instant... pour l'instant je laisse ce petit bout de moi-même. Et j'y reviendrai. Un jour, un jour où je trouverais A-BSO-LU-MENT vital de le partager ici. Ici, avec vous.

Je reste là. Pas loin de vous.

Et je vais bien, ne vous en faites pas.

Dimanche.
Le soleil brille, les cloches des églises environnantes sonnent comme toujours autant qu'elles le peuvent, les gars du chantier au coin de la rue s'affairent (ce n'est apparemment pas le jour du seigneur pour tout le monde), les voisines philippines prisonnières de leur condition briquent la cuisine et étendent le linge (ce n'est pas le jour du seigneur pour tout le monde bis), on nous annonce sur facebook que ça a pété quelque part dans Beyrouth, les scooters passent à toute allure dans la rue, au loin la mer scintille et deux filles se préparent à prendre leur petit déjeuner en terrasse en toute insouciance.
Tout est normal.
Tout est normal.
On décide de donner un but à notre journée : trouver l'ancienne gare du quartier, soit disant une petite merveille conservée mais très loin des attractions touristiques. Un trésor pour qui sait lire une carte beyrouthine et ne pas être frustrée à tourner en rond, en carré, en losange.
Sur le chemin, on observe les détails de la rue dont les magnifiques fenestrations, toujours rangées par trois, toujours arrondies, toujours sculptées. Les portes, les anciennes enseignes de commerçants, les richesses de ces belles maisons bourgeoises côtoyant l'abandon des autres pour ne pas dire les ruines, les veilles Mercedes rouillées et les Audi flambant neuves.

Lorsque je remarque une ruelle avec un mur rose parsemé de chouettes noires peintes au pochoir. Au milieu, un magnifique poème décrivant la difficulté d'aimer à la libanaise lorsqu'on a 20 ans. Au bout de la ruelle, se dresse un vieil escalier en pierres et de magnifiques demeures dont une couleur framboise vieillie. J'adore les framboises.
On s'y aventure et basculons à une autre époque : du fer forgé, des palmiers, de la mousse sur les pierres, une végétation luxuriante, et encore des maisons cachées comme à l'abri de tout, et surtout du temps qui passe. On s'attarde aux détails, on regarde derrière les portails, on devine les jardins, on aperçoit des terrasses, on plonge ailleurs comme des anges.



On arrivera au bout de l'impasse, impressionnée par cette découverte avec comme une envie de s'arrêter là, de compter les secondes, de chercher les fourmis et de jouer avec. Pause. On a découvert un royaume, on porte de grandes robes et on s'assoit ici, sur le rebord de l'escalier à attendre notre pigeon voyageur, en scrutant le ciel et les images blanches.
C'est dans ma tête, c'est comme dans les livres que je lisais enfant, c'est un peu merveilleux.
Je sais maintenant pourquoi il y avait des chouettes à l'entrée de cette ruelle.

On trouvera finalement la gare, ou plutôt, l'entrée du passage pour pouvoir s'y rendre.
Malheureusement, impossible de le faire le dimanche.
On est un peu déçue, mais pas tant que ça. On a découvert toutes sortes de trésors cet après-midi là.

Nous sommes samedi.
Et que font 2 bonnes amies un samedi, seules dans une grande ville ?
Elles vont magasiner. Logique implacable.

Surtout que quelques jours plus tôt elles ont testé la manucure à 5 $ afin de paraître bien face aux libanaises. Oui oui oui, c'est très important la manucure pour une libanaise. Autant que le brushing, c'est vous dire. Je ne vous ai d'ailleurs pas raconté cette épisode marquant... puisqu'on est dans une journée fifille, voici ma première expérience manucure (car en fait, je suis la seule qui a testé, Casp a quant à elle approuvé).

On se fait servir par deux jeunes filles à l'accent hispanique.
Alors que la cérémonie du trempage de doigts commence, je m'excuse de suite auprès de la fille : elle va avoir du travail avec moi, c'est ma toute première fois.
Elle commence par me repousser les cuticules. J'ai honte de la voir racler tout ça avec acharnement, je la paierais le double pour le labeur, et j'ai mal. Bordel c'est loin d'être agréable ce truc. Je fais des grimaces, c'est plus fort que moi, je le jure. Puis je la vois sortir ses petits ciseaux et couper toute cette peau comme une chirurgienne. Tant que ça !!!! Je n'en reviens pas. Ah non, c'est vraiment la honte...
Puis c'est la séance de limage. Encore une fois je grimace. Je hais ça. Ça me donne des frissons de partout, je repense à la craie et au tableau noir. Enfin vert, mais pour la beauté du texte on va dire noir.
Il parait qu'on s'habitue à cette torture, sinon je ne comprends pas pourquoi les femmes y vont deux fois par semaine. Ça doit être pareil pour l'accouchement finalement...
Bref, je choisis de me faire une french. Et les séances peinture commencent. Une couche, séchage, deux couches, séchage, le bout blanc qui fait so chic, séchage, une couche, séchage, et encore une couche, et enfin séchage 5 minutes.
Entre chaque couche, la fille me demande en français (c'est un effort apprécié) : "Est-ce que tou aimes ?"
Je ne sais pas trop ce que je dois aimer ou pas mais vu qu'elle est gentille et certainement mal payée je lui dis oui tout le temps. En plus, la patronne nous tourne autour et elle n'a vraiment pas l'air commode.
De même, vu que je suis une novice, je n'arrête pas de lui gâcher son travail : un de mes doigts, pas habitué à devoir rester bien droit, se lève machinalement tout seul et pouff il touche un autre doigt. Forcément c'est pas sec, forcément ça fait un gros pâté, forcément ça veut dire que la fille doit réparer les dégâts, et bon, disons que la troisième fois elle n'a pas dû trouver ça très drôle. Moi non plus, je vous rassure, même que je me suis excusée et que je lui ai dit que je vivrai avec mon ongle foutu, c'est de ma faute, tant pis.
Résultat, c'est quand même super chouette. Autant de souffrance pour avoir des mains trop wonderful, qui donne une allure d'enfer quand tu pointes du doigt ce magnifique sac à 3000 $US (je le sais que c'est mal de pointer du doigt, mais quand tes ongles sont wonderful, je crois que tu as le droit), ou même quand tu fais un doigt d'honneur (malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de le tester, personne ne m'y a forcé - c'est vraiment dommage, ça aurait été le doigt d'honneur le plus chic de toute ma vie).


Mais revenons à notre journée magasinage.
Nous avons trois objectifs à atteindre :

1) Acheter des cadeaux souvenirs/de noël pour ma famille. On s'est rendu dans un magasin d'artisanat libanais et j'y ai trouvé mon bonheur.
2) Manger une crème glacée de chez Oslo@Gruen conseillée dans notre bible "Une vie de pintade à Beyrouth". Rendez-vous pris. Crème glacée testée et approuvée.
3) Acheter un nouveau jean pour Casp. Pour la petite histoire, je suis madame jean. Je ne porte pratiquement que ça, depuis des années, même au travail. Le jean est mon ami, je l'aime de tout mon fessier. Casp non. Mais Casp aimerait bien. Ça faisait au moins 2 ans qu'on se promettait de consacrer quelques heures à la recherche du Saint Graal, mais un évènement et puis un autre nous en empêchaient. Cette fois-ci, c'était la bonne. Foi de Mandy, la journée ne s'achèverait pas sans que ma Casp n'ait un nouveau jean. Il ne fut pas facile de la convaincre, il ne fut pas facile de trouver un modèle sans diamant ni trou, mais nous sommes arrivées à en trouver un qui lui aille comme un jean, c'est à dire : parfait. Je dois l'avouer, j'étais satisfaite. Quelle bonheur de relever une mission jeanesque. Les filles, je vous le dis en toute modestie : je suis votre magasineuse préférée pour votre denim idéal. Profitez-en, je suis gratuite.

Nous l'avons trouvé dans le tout nouveau centre commercial qui s'appelle "les souks de Beyrouth". Rien à voir avec un souk tel que nous l'entendons en occident, si ce n'est qu'il y a bien des commerces. Ça sent la peinture fraîche, c'est clinquant, propre et très occidental. Et au bout de ce souk toujours en chantier, un vieil immeuble superbe en attente... Je suppose que s'il est encore debout au milieu de tout ça, c'est qu'ils comptent peut-être le rénover, l'embellir et garder une trace du passé. Peut-être... j'espère...


C'est noël à Beyrouth.
Il y a des lumières multicolores qui scintillent dans les rues, il y a de l'effervescence dans les épiceries, il y a une fanfare avec des lutins dans le centre commercial, et il y a de la dinde au menu du jour chez notre petit restaurateur préféré. De la dinde avec une sauce épicée, du riz, et une multitude de noix, fameux !

C'est noël, et la veille au soir, il y a eu la messe de minuit à minuit pile, dans une église bondée avec sa chorale et ses messages de paix. Nous réalisions que pour la première fois de notre vie, nous célébrions noël à la bonne heure, exactement.

C'est noël, et même sans notre famille, même au bout du monde, on était bien, sous le soleil ou sous l'averse, sous les 15 degrés et notre parapluie.

C'est noël, et le temps passe trop vite pour retourner nos manches et faire des petits biscuits. On préfère aller au cinéma du quartier, comme 7 autres personnes, aller voir Avatar sans trop savoir ce que c'était. Ce n'est pas en 3D, mais c'est en V.O. sous-titré en arabe et en français. On a même eu droit à une pause de 5 min pour faire le changement de pellicule. Malgré tout, moi je ne me plains pas de cette attente forcée , je connaissais déjà la fin dès les premières 15 minutes du film, et quoi qu'en dise tout le monde, mon expérience avatarienne avait un goût spécial.

C'est noël, et comme tout le monde, on a un sapin. Il fait 20 cm de haut et c'est un rescapé. Il doit avoir 4 branches et demi. Nous n'avons aucune décoration de noël mais plein de bijoux qui feront l'affaire. Nous n'avons pas de crèche, mais on plein d'humour et des magazines pour chercher nos personnages.
Et voilà comment on se retrouve, un 25 décembre à Beyrouth, avec un noël et son sapin surnommé "fanfreluche et rock'n roll" :




Vous reconnaîtrez aisément Miles Davis dans le rôle de Joseph, une sublime vierge effarouchée un peu mannequin dans le rôle de Marie, Le Pape dans son plus grand rôle d'Ordre Divin, et Djiseuss the King of the day.




24 décembre - 7h47
Je ne suis pas en retard mais je suis un peu moins à l'heure. Deux touristes sont arrivés, on en attend un autre, un égyptien qui dit qu'il va arriver dans 10 minutes. Le patron connait l'heure égyptienne et dit qu'on peut y aller, il ne viendra pas ou sera bien trop en retard. Je discute avec la guide, une dame différente de la veille, et une touriste française. L'autre touriste, nous voyant parler français, s'énerve un peu, dit qu'il n'a pas déjeuné, qu'il a faim, qu'on parle tous français et pas lui. On a beau lui dire que la guide parle anglais et arabe et lui fera la visite de la même façon, il n'est pas content et s'en va. Bon, un trou d'cul en moins, c'est pas grave. On s'en va donc, le chauffeur, la guide, la touriste et moi. C'est parfait, on parle juste en français, et cette nouvelle guide est bien plus intéressante que l'autre. On peut lui poser beaucoup de questions, même les plus taboues, elle nous répond toujours sans gêne.

On se dirige vers le sud, en direction de Tyr, à quelques kilomètres de la frontière avec "leurs chers voisins du sud" (ou "la Palestine occupée") comme ils disent. Sur la route, des bananeraies sur des kilomètres, plusieurs barrages militaires avec de gros sacs de sable et des hommes en treillis et kalachnikovs comme on en voit de partout sur les routes au Liban, et puis la mer scintillante, des bidons villes, et des grands portraits de leaders religieux accrochés aux toits des maisons, des lampadaires ou au beau milieu des rond-points. Ça me fait un peu "peur" tout de même... pourquoi autant de portraits et de banderoles ? Que se passe-t-il ? des élections ? On m'expliquera que le 27 décembre on célèbrera l'achoura, une fête religieuse musulmane, rien de plus, rien de moins. Je m'expliquerai que les médias, avec toutes ses images de guerre vues ces dernières années à la télé comme dans la presse, sont bien plus puissantes dans mon esprit que je ne le pensais (et je suis certaine que vous pensez la même chose). La puissance des images, la puissance de la peur, la puissance des informations choisies, cet exemple m'aura vraiment fait réaliser à quel point les médias ont de l'emprise sur nous.
Apparté : si vous voulez voir un film sur le pouvoir des images et leur l'impact, je vous conseille l'excellent, mais particulièrement subversif "Enjoy Poverty" de Renzo Martens (âmes sensibles s'abstenir).
Nous arrivons à Tyr, ville classée par l'Unesco sur la liste du patrimoine mondial de l'Humanité, cité prestigieuse, évoquée à plusieurs reprises dans la Bible. Sa position géographique ne lui a pas servi, étant une ancienne ville frontière avec la zone occupée par Israël, particulièrement touchée par la guerre de 2006. Le premier site archéologique est en bord de mer, comme une presqu'île (à l'origine, c'était d'ailleurs une île). Nous sommes les premières arrivées, seules au milieu des vestiges du passé. Sous le soleil matinal, nous admirons encore des colonnes romaines avec des chapiteaux magnifiquement sculptées plus saisissantes encore que celles de Byblos, des arènes (ou ce qu'on en devine), des thermes, un atelier de verre (qui, avec le pourpre, ont permis à la ville, au Xème siècle av. J.C. d'être très prospère), un sarcophage avec une sculpture de Méduse. Et puis cette lumière, la mer, les mosquées au loin, les palmiers... quel dépaysement... Le second site archéologique de Tyr commence par une voie Byzantine, de couleur ocre et merveilleusement conservée, avec ses dalles et ses portes.



Nous croiserons un columbarium, une chapelle funéraire (c'est de ce site que plusieurs sarcophages et tombeaux ont été déterrés - ils se trouvent maintenant au musée national de Beyrouth), pour finir à un hyppodrome (seulement un partie est restée debout), pouvant, à l'époque, accueillir jusqu'à 20 000 personnes assises (ils sont trop forts ces romains).
Nous reprenons la route pour Saïda, autre ville côtière (mais ayant comme un petit problème avec sa déchetterie à ciel ouvert si vous avez vu le JT de France 2 ce soir, mercredi 10 février - M'enfin, en même temps, Saïda n'est pas la seule ville libanaise a avoir un problème avec l'écologie...). Une visite d'un musée du savon est prévue. Ça sent bon, mais j'avais déjà vu, quelques mois plus tôt, un reportage sur le sujet. Je n'apprendrai donc pas grand chose. Par contre, j'observerai les travaux de la bâtisse, rénovée avec attention. Puis visite du souk de Saïda, en pierre et voûté. Vraiment charmant. Dommage que nous n'ayons pas eu le temps de déambuler plus longuement dans le labyrinthe de ses petites ruelles sombres. Encore une visite expresse, celle d'un khan. Alors que nous attendons notre chauffeur, une odeur de falafels frais fris s'attaque furieusement à mes narines. La guide est un amour, elle va nous en chercher un gros sac. Dans la camionnette, je ferais de moi une femme comblée (estomacablement parlant). Direction la vallée du Chouf pour le palais de Beiteddine. La route est propre et bien entretenue, une rareté au pays. La guide nous expliquera que nous rentrons en territoire Druze (une "religion" qui se veut plus ou moins musulmane mais qui n'est absolument pas acceptée telle quelle par les musulmans - bref, c'est un peu compliqué, allez voir sur wiki, on vous expliquera), et que le chef est un grand défenseur de la propreté. Le palais de Beiteddine est un de ces rares lieux de paix et de tranquilité. Au loin dans la montagne, il a été épargné par les guerres et a gardé tout son charme d'antan. Il se visite comme un musée, aves ses pièces spectaculaires (plus belles que celles du palais Azem de Damas), sa galerie de mosaïques, ses bains, ses jardins, ses cours et sa paix.

Il est 15h lorsqu'on nous emmène enfin dîner. La table est remplie de mezzés, on se prend un verre d'arak pour fêter cette merveilleuse journée, et on pense déjà à ce que nous ne serons plus capables de manger ce soir pour le réveillon de Noël.



7h45
J'ai réussi à honorer le rendez-vous pour l'excursion. J'y suis, mal réveillée, pas vraiment ravie ravie d'avoir dû mettre le réveil un jour de vacances, mais heureuse de la journée qui m'attend. Je fais connaissance avec mes comparses touristes : 3 jeunes américains (un couple et une amie) et un très jeune couple de Libanais-Sénégalais.
Je m'entends bien avec les New-Yorkais, même si peu bavards, ils rient facilement à mes boutades.
Les Libanais-Sénégalais me rendent curieuse. Ils doivent avoir à peine 20 ans, et passent leur temps à se chicaner. Je trouve le nouvel époux assez goujat en fait... Je leur pose beaucoup de questions et reste toujours stupéfaite lorsque je les entends dire qu'ils sont Libanais mais que c'est seulement la 4ème fois de leur vie qu'ils mettent les pieds au Liban (je comprends alors l'ampleur du mot "chauvin"). D'ailleurs, s'ils sont là aujourd'hui, avec d'autres touristes, c'est parce qu'ils ne connaissent pas leur pays (qui, soit dit en passant, a la superficie d'un département français).
Alors être Libanais c'est quoi quand on fait partie de la diaspora et qu'on est né ailleurs ? Être Libanais, c'est comme être Corse ou Breton, c'est une appartenance, un truc tattoué dès ta naissance dans ton être le plus profond, comme la religion qu'on te donne de suite en te baptisant.


Nous embarquons dans une petite camionette avec notre guide et notre chauffeur, drôle de personnage se frayant un passage au milieu des embouteillages en klaxonnant et en maudissant les autres conducteurs d'être trop à gauche ou trop lent, tout à fait comme ferait un marseillais qui parle en arabe - Ok, c'est un pléonasme - mais dans la bonne humeur, en sifflant et en chantant par moment.

On arrive à Byblos, l'une des plus anciennes cités continuellement habitée. Imaginez... les premiers pêcheurs qui s'y sont installés remontent à la période néolithique, il y a plus de 7000 ans. Depuis, toutes les civilisations s'y sont succédées : les Phéniciens, les Égyptiens, les Perses, les Grecs, les Romains, les Byzantins, les Croisés, les Mamelouks, les Ottomans et enfin les Français qui redécouvrirent, grâce aux archéologues Pierre Montet et Maurice Dunand, les trésors cachés de toutes ces civilisations, enfouies au fil du temps.

Il est 9h du matin et nous sommes les premiers visiteurs. Le site surplombe la mer. La visite commence par le chateau datant des Croisés, donnant vue sur des ruines, des colonnes romaines, et quelques sarcophages sur notre passage, dont un encore à moitié enterré.
Je suis heureuse d'être là, je suis heureuse d'être si près de la mer car à Beyrouth elle n'est pas du tout intégrée dans la ville. Ici je sens, ici le soleil me réchauffe, ici je vois loin et c'est calme. Et puis, on peut toucher les pierres, on peut les observer, on peut imaginer.



Il faut faire vite, on a encore deux sites importants à visiter dans la journée. Pas le temps de flâner, d'essayer 10 prises de vue.
Je déteste les excursions.
La guide nous entraîne dans une mini visite de la vieille ville au pas de course, puis nous laisse à une "guide" - une vendeuse oui ! - du musée des fossiles à poissons. On nous prend pour des cons, j'ai du mal à y croire.
Puis nous avons une trentaine de minutes de libre, pour, par exemple, consommer quelque chose dans CE café (et pas un autre) ou se promener dans le "souk" un vrai attrape touriste où tout sent le plastique.

On repart pour Jounieh, belle baie surpeuplée.
On doit prendre un téléphérique pour nous emmener voir "La vierge du Liban" ou "Notre Dame du Liban" ou encore "Notre Dame de Harissa". Ça ne vous rappelle rien tous ces différents noms pour nommer la même chose ?
Le téléphérique passera à seulement quelques mètres des immeubles adossés à la montagne. Les habitants sont sur leur balcon en train de boire leur café, au 10ème étage, et l'on passe à côté d'eux, comme si de rien n'était. Spécial. Vraiment spécial. Un peu apeurant en fait cette forêt de béton, infinie... Je sais que la nature existe au Liban, mais je ne sais pas encore où.
En tout cas, Notre Dame est blanche (j'en connais bien une rose moi !) et de son promontoire nous offre une vue absolument superbe sur la baie. Toujours surpeuplée.

C'est reparti. Cette fois-ci, direction les grottes de Jeita. Ouais. J'ai un peu peur, je ne suis pas très à l'aise avec les trucs du genre "enfermée sous terre" "plic ploc plic ploc" "bouhhhouuu". En plus j'ai faim, il est pas loin de 13h. Mais il parait que je ne dois pas manquer ça, que c'est extraordinaire.
On range nos appareils photos dans des petits casiers à clé. Interdit de garder des souvenirs pixelisés. Par contre par ici, vous pourrez voir quelques clichés (puisque ceux du site officiel sont de très mauvaise définition).
On accède tout d'abord à la grotte supérieure. Il y fait chaud, c'est immense et effectivement majestueux. Je me crois dans un décor de science fiction, l'éclairage aidant. Je vais y faire un voeu, le lieu hors du commun s'y porte j'ose croire. De temps en temps, des concerts de musique classique y sont donnés, j'imagine le son, et le lieu qui doit se faire sentir hors du temps, hors de tout, mieux qu'Avatar en 3D, j'en suis persuadée.
Puis nous ferons la grotte inférieure, en bateau. Nous sommes tous éblouis, affamés aussi.
C'est l'heure d'aller manger des mezzés, il est 14h.
Fin de la journée et retour dans les embouteillages.

Je décide alors de retenter l'expérience de l'excursion pour le lendemain. Je n'aime peut-être pas les visites guidées, mais franchement, on ne peut pas mieux faire pour voir autant de sites quand on a pas d'auto ni assez de temps.

Deuxième jour à Beyrouth.

Je prévois de partir le lendemain pour une excursion d'une journée avec une agence de voyage. Ce n'est pas trop mon truc de voyager comme cela, mais je sens que si je veux découvrir le Liban je n'ai pas trop le choix. En effet, il n'y a pas de bus ou de train pour faire les quelques dizaines de kilomètres qui séparent Beyrouth des sites archéologiques. Je pourrais bien négocier un service mais mon budget ne me le permet guère et surtout, ma connaissance de l'arabe est bien trop limité pour me sentir à l'aise avec cette solution en étant en solitaire.

Je me rends donc à l'agence de voyage pour payer ma journée du lendemain, et de là décide d'aller visiter le quartier ouest de la ville. D'après mon plan, c'est faisable à pieds.

Je marche d'un bon ryhtme. Je me fais confiance, j'ai un bon sens de l'orientation.

Très vite, je remarque la différence entre le quartier dans lequel je réside et celui-ci, plus populaire, plus musulman, plus vivant aussi avec tout ce monde que je croise sur les trottoirs. Ce monde me regarde un peu du coin de l'oeil, en effet, je ne suis pas dans un quartier très touristique et je fais un peu "bizarre".

Au bout d'un moment, je me mets un peu à l'écart pour ouvrir mon plan après avoir essayé d'identifier un coin de rue. Je ne sais pas où je suis. Je décide donc de continuer à marcher jusqu'à ce que je croise une grande artère, plus facile pour se repérer.

Je dois vous expliquer qu'il y a comme un petit problème à Beyrouth : les noms des rues différent souvent. Premièrement, il y a le nom de la rue populaire, celui que les gens utilisent couramment. Il y a aussi le nom de la rue officielle (celle qui serait sur mon plan), mais depuis pas très longtemps et pas grand monde le connait ni encore l'utilise. Et puis, dans la réalité, sur les plaques émaillées, on a le nom du secteur dans lequel on se trouve (le quartier), et puis un numéro de rue (exemple : rue 52). Quelquefois on a aussi le nom de la rue, mais pas toujours, rarement en fait. Le problème, c'est que personne ne sait à quoi correspond le numéro 52, et que si tu demandes aux gens "Où suis-je ?", on va te répondre le nom de la rue populaire, celui qu'ils connaissent, mais pas celui qui est sur ton plan. Donc gratte gratte le cuir chevelu, et pellicules en vue.

Je croise deux universités, remplies d'étudiants. Mais aussi des coiffeurs, des épiceries, des boutiques, des fats-food, des trucs bizarres de leaders politiques et/ou religieux je crois mais dont j'adore la musique qui en émane (si seulement je savais lire l'arabe pour comprendre ce qui est inscrit sur les banderoles noires), des garages, une ville normale si ce n'est que les gens vivent dans la rue, ils ne font pas que passer.

Lorsque je tombe sur une grande artère commerciale, je me pose pour essayer de me repérer. Mais le plan du Petit Futé est entre nous, franchement pourri. Pas de bol, c'est le seul guide du Liban en français qui existe. Un monsieur vient me voir pour voir s'il peut m'aider. Il ne parle pas français, pas anglais, seulement arabe. Heureusement, il reste la langue des mains, des yeux et des mimiques. On peut toujours un peu communiquer grâce au corps, c'est toujours fascinant. J'arriverais quand même à comprendre que je me suis dirigée trop au sud au lieu d'aller vers le nord.
Finalement, je demande mon chemin à un coiffeur qui parle un peu anglais, et en lui disant où je veux aller, il m'indique la direction à prendre.
Sur le chemin, je croise un vendeur de marrons chauds et lui saute dessus J'EN VEUX !!! Je croise aussi un enfant qui vend des billets de loterie et qui me parle sans arrêt. Je ne sais pas ce qu'il veut, mes marrons, mon argent, me vendre son truc, manger, que sais-je...

Et je continue ma marche. Je change de quartier petit à petit, des vieux murs, du lierre, et toujours des chantiers, des immeubles détruits jouxtant des immeubles neufs à peine habités.
Je ne photographie que des immeubles détruits, ils me fascinent. Combien de guerres ces murs ont-ils vécus ? Combien de personnes y ont crié ? Prié ? Ils sont là, blessés, laissés à l'abandon, en attendant qu'un entrepreneur souhaite le supprimer pour le remplacer par un plus grand, et plus moderne comptant toujours 3 chambres avec salle de bains, 2 salons, une cuisine et sa chambre de bonne minuscule attenante, prison des Philippines ou Éthiopiennes.




Lorsque je photographie ces immeubles, je repense à mon vieux rêve. Celui d'après avoir voulu être trapéziste. Je voulais être reporter photographe de guerre, je voulais marquer le monde par mes images, le bouleverser et le déstabiliser, le convaincre qu'à travers la beauté de l'image il y a un monde moche avec des civils qui souffrent. Je voulais être un fantôme, passer entre les bombes avec comme seules munitions mes pellicules.
Maman elle a dit que non. Maman elle a dit que je ne serai jamais à la maison, que je ne verrai pas mes enfants et mon mari, que ce serait trop difficile. Résultat, j'ai pas de mari, pas d'enfant, je ne suis plus près d'elle non plus, mais j'ai toujours envie de photographier les traces de balle, les trous d'obus et si j'avais moins peur de leur voler leur âme : les gens.



Première journée à Beyrouth.
J'ai dormi longtemps, je ne dois pas oublier que je suis aussi en vacances. Je me réveille avec les bruits de la ville : les chantiers qui n'en finissent plus, les cloches des églises sporadiques, les voitures tout le temps, les scooters souvent, la vie toujours.

Lorsque je suis prête à sortir, il ne reste que quelques heures de lumière.
Je ne prévois donc pas la grande promenade du séjour et me dirige vers le centre-ville.

Lorsque je décide de sortir mon appareil photo c'est pour cette image qui reflète tout à fait le Liban :




La mixité, la proximité, les religions, les communautés, le neuf et l'ancien, et les nuages sur tout ça. Un peu menaçant ou prêt pour une éclaircie, on ne sait pas trop, on attend... on espère.

La mosquée est neuve, immense, imposante, avec 4 minarets. Juste à côté, une église catholique, en pierre, ancienne. À gauche de cette église catholique, séparée par un site archéologique romain, une église orthodoxe complètement rénovée après la guerre, et à 5 mètres d'elle, une autre église catholique. Et pas loin de là, encore des mosquées et encore des églises. Toujours, tout le temps.

Les journées sont marquées par le tintement des cloches et les muezzins qui appellent à la prière. La religion fait partie de la vie, intensément, pour tout le monde. Les Libanais ne peuvent vivre sans, une question de survie, une question de culture, un mode de vie. Qu'il en soit encore ainsi pendant longtemps, inch'allah !



Oui, je sais, je suis un peu lente... je gagne du temps, à moins que je n'en manque...

Troisième jour à Damas.
Le temps file vite (encore lui), il me faut acheter mes cadeaux de noël/souvenirs de voyage en hésitant entre tout ces magnifiques bijoux, et visiter ce que je n'ai pas vu avant de rentrer à Beyrouth. Manger encore une crème glacée (un lien que vous ne regretterez pas) aussi, et sentir encore et encore ces senteurs inoubliables de la vieille ville.

La visite du jour sera pour le Palais Azem, datant du XVIIIème siècle, et ancienne résidence du gouverneur de Damas. Aujourd'hui, le palais abrite le musée des arts et traditions populaires. Ce qui m'a le plus marqué dans ce palais serait la chambre de la mariée avec ces objets insolites tels que de hauts sabots, les meubles en bois sculptés incrustés de marbre et d'os, les murs et les plafonds de certaines salles entièrement recouverts de bois finement peints, le labyrinthe des bains turcs, et les vêtements des bédouins, toujours superbes.





Le lendemain, on part à la recherche de la fameuse chocolaterie Ghraoui http://www.ghraouichocolate.com/ Si Casp se repère très bien dans un souk bordélique et labyrinthique, moi c'est avec une carte que je peux l'emmener n'importe où. On se complète super bien aussi en voyage.

Elle m'apprend à traverser les boulevards. En fait, ce n'est pas si difficile : ok, il y a plein d'autos qui roulent sans trop se soucier du code de la route (s'il existe), presque pas de passages piétons (quelle idée aussi de marcher, en orient encore plus qu'en occident, on a une auto !). Alors comment faire pour traverser six voies ? Facile, tu marches. Surtout très tranquillement. Jamais tu ne cours sinon la voiture accélère. Elles passent à 10 centimètres de toi, mais tu fais comme si de rien n'était. Elles klaxonnent, mais pas pour te faire fuir, juste pour te prévenir qu'elle t'a vue ou que tu es un peu malade de ne pas être comme tout le monde avec une armure métallisée. Tu peux lever un peu la main pour lui faire comprendre que TU décides de passer, qu'elle ralentisse un peu et surtout, tu restes zen, et tu pries pour arriver au bout. Ma méthode était de suivre un syrien. S'il passe, je peux le faire aussi.
On trouve la chocolaterie, on se pourlèche les babines, on savoure, on achète. On y rencontre un monsieur qui nous dit que l'ambassadeur Suisse achète ici ses chocolats, si c'est pas gage de qualité... Retour dans la vieille ville, là où les senteurs nous font oublier les odeurs de gazs d'échappement. Toutes les senteurs d'orient se mêlent : café torréfié, jasmin, fleur d'oranger, pistaches, cardamome, eau de rose, falafels frits, chawarma, savon, cumin. C'est un bonheur intense pour l'odorat.
Les souks sont ouverts, il y a plein de monde : 70% d'hommes, 10% de jeunes garçons, 19.85% de femmes voilées (hijab ou tchador), 0.15% de femmes non voilées. On y vend de tout : des lanternes aux bijoux, des tissus moches aux falafels les meilleurs du monde, du savon d'Alep à de l'or en pagaille, du serpent séché à des boîtes en bois sculptées et nacrées, de la lingerie affriolante avec plumes et gros coeur scintillant à la crème glacée la meilleure du monde (malhaljeh). Il y a même plein des vendeurs ambulants de paquets de mouchoirs en papier.

Enfin, je vais visiter la Grande Mosquée (http://www.dinosoria.com/grande_mosquee.html) On nous prête des capes pour pouvoir y entrer. Heureusement, ils ont plusieurs tailles. On se déchausse et entrons. Le sol est froid, et entièrement de marbre. La cour intérieure est immense. Des petits groupes ici et là mangent, discutent, les enfants s'en donnent à cœur joie en courant, jouant, se roulant par terre. Je remarque une scène fabuleuse : deux femmes portant le tchador prennent chacune la main d'une petite fille, elle aussi en tchador. La petite fille est à genoux, et glisse sur le sol pendant que les femmes la tirent. Elles rient pendant que le tissu noir flotte sur le marbre clair. Elles feront pareil avec un petit garçon. Nous sommes loin d'un lieu uniquement de culte et de recueillement, nous sommes dans un lieu de vie, un lieu communautaire et convivial. À l'intérieur, les tapis rouges nous réchauffent les pieds. La salle est superbement décorée : mosaïques, vitraux, lustres. Au beau milieu, le tombeau de Saint-Jean Baptiste. C'est plus calme ici : les gens prient, murmurent, se confient certainement.








Premier vrai jour de voyage après mon arrivée en terre moyen-orientale pour certains, proche-orientale pour d'autres.
Je me réveille après une nuit au fin fond des profondeurs du décalage horaire. Je ne sais pas quelle heure il est, je me rappelle juste être à Beyrouth, et que Casp m'a forcée la veille à aller rejoindre les bras de Morphée. Je n'ai pas dû trop résister, les yeux mi-clos mais la langue toujours bien pendue.

J'apprends qu'il est plus de 10h, presque 11 même.
Il pleut. Pas trop. Beaucoup. Plus. On ne sait plus, c'est toujours à verse ici.
On déjeune et partons, bottes de pluie aux pieds, sacs de randonnée au dos, à la recherche d'un premier "service" (taxi à partager). Après quelques courses en ville d'avant départ et mon premier manouchi au zaatar, nous voilà à la recherche, dans un quartier spécifique, d'un autre service plus spécial cette fois-ci. Il nous faut une plaque d'immatriculation et un chauffeur syrien. On trouve, Casp négocie le tarif, on part. Après des interrogations, des incompréhensions et un demi-tour, nous prenons la route de Damas, avec deux passagers de plus dans l'auto et la peur d'un troisième (ouff, ce n'était qu'un dentier qui était oublié, ça prend moins de place et ça crie moins fort qu'un enfant de 8 ans). La route est sinueuse, elle ressemble à un torrent, on croise une pistacherie. Mais qu'est-ce que c'est exactement une pistacherie ? On n'en sait rien, mais on se le demande.

Il fait nuit lorsque nous arrivons à Damas. Il ne pleut pas mais il a plu.
Après le dépôt des bagages à l'hôtel, on file dans la vieille ville.
Nous sommes vendredi, jour de congé pour les musulmans. Les fidèles sortent de la mosquée et mangent une crème glacée. Il a peu de monde dans le souk, presque toutes les boutiques sont fermées. À la sortie du souk couvert, des colonnes romaines nous amènent tout droit à la fameuse mosquée des Omeyyades. Ça ne va pas ensemble dans ma tête, et pourtant, c'est là depuis des siècles, l'un à côté de l'autre.

On continue notre balade, puis Casp m'emmène dans un restaurant, fort charmant : nous sommes dans un patio superbe, comme dans mes souvenirs de palais andalous, avec de la fausse et de la vraie verdure. Les serveurs sont encore syriens, c'est pas si mal. Même que les clients sont des locaux, plutôt bon signe. Ça sent bon, tout le monde fume le narguilé, sauf les enfants, j'en conviens. On mange, c'est bon. Ne pouvant pas assouvir mon alcoolisme dans cet établissement, je fais donc comme tout le monde : je commande un narguilé. Un petit groupe de musique live joue de la musique. Les gens se mettent à taper des mains en suivant le rythme lorsqu'il reconnaissent l'air, les plus jeunes enfants sont debout sur les tables à danser. Ça chante même un peu. C'est bien, c'est bon d'être ici. Il y a peut-être quelque chose dans cette fumée de narguilé qui nous rend stone, qui apaise.

Nous partons. Les rues sont désertes, les lampadaires nous offrent une lumière tamisée rayonnant sur les pavés mouillés. En face de la mosquée, un vendeur de pop corn avec sa machine qui doit dater des 60's. Je veux prendre ça en photo, mais des touristes y ont déjà pensé. Lorsqu'ils finissent, c'est un papa qui s'arrête pour faire plaisir à ses enfants. C'est long, c'est long, je veux ma photo. J'abandonne. Je vois une ruelle aux lampadaires rouges. Trop chic, trop glauque, sais plus, trop beau. Clic.
Casp me dit "Viiiiiiiiite, c'est bon !!!". Je redescends un peu la rue.
Cadre.
Clic.








Un plaisir des yeux ?
Les vieilles pierres, immenses, étourdissantes, détruites, reconstruites, datant de l'époque romaine accolées aux byzantines ou ottomanes . Toutes ces pierres ocres, de marbre, de granit, de calcaire, sculptées, polies, taillées, découvertes et remontées.    
 
Un plaisir que l’on partage ?

Les découvertes partagées comme l'émerveillement devant une scène de vie insoupçonnée dans une mosquée, une messe de minuit au milieu de dindes pomponnées, une jolie impasse surmontée d'un bel escalier, un cœur rouge en bois au milieu d'un désastre oublié. 
 
Un plaisir d’enfance ?


Décorer un mini sapin, sauvé in-extrémis d'une mort certaine, la veille de noël. Utiliser nos bijoux et doigts de fées pour les décorations, et inventer une crèche en cherchant une Marie, un Joseph et un Jésus dans un ELLE et un BIBA. Kiffer à mort le résultat final en surnommant notre oeuvre d'art "Fanfreluche et rock'n roll". 
 
Un plaisir odorant ?

Le souk de Damas, sans aucun doute. Avoir hâte d'y être quand la ville sent la pollution et les gazs d'échappement. Y entrer, et se laisser bercer par toutes ses odeurs se mêlant les unes aux autres : cardamome et café torréfié, fleur d'oranger et falafels frits, pistaches grillées et cumin, eau de rose et jasmin. Vouloir ne jamais en partir, ne jamais oublier, mettre tout ce mélange dans un bocal en souvenir mais ne rien pouvoir en faire. Sentir à plein nez, en profiter. 
 
Un plaisir égoïste ?

Manger des marrons chauds achetés à un marchand ambulant, alors que seule et perdue dans un quartier populaire de Beyrouth. Payer le prix fort parce qu'on est touriste et s'en foutre royalement. Déguster ces merveilles d'enfance, se noircir les doigts et le dessous des ongles, et se dire que la simplicité a bien meilleur goût.  

Un plaisir de l’oreille ?

Entendre non pas un, mais deux muezzins en même temps, quelquefois même avec les cloches des églises environnantes. Avoir l'impression d'être la seule qui trouve cela extraordinaire.
 
Un plaisir charnel ?

Sentir qu'on me regarde avec désir, sentiment quasi inexistant à Montréal. Ça fait juste du bien de se savoir un minimum séduisante.

Un plaisir inconnu ?

Prendre en photo des immeubles criblés de balles, sortir son appareil photo juste pour ça.
 

Un plaisir du goût ?

Manger un malhlajeh dans le souk de Damas. Cette crème glacée, faite à la main, à la saveur de fleur d'oranger enrobée de pistaches et amandes concassées, est la meilleure de toute ma vie. 


Un plaisir anachronique ?
Ne pas en revenir de voir autant de vestiges du passé au milieu des immeubles modernes. 4000 ans les sépare, mais ils se côtoient.
 
Un plaisir qui ne coûte rien ?

Accepter un thé et une cigarette d'un marchand, essayer de communiquer dans sa langue, d'en savoir plus sur lui.

Un plaisir honteux ?

Avoir mangé mes marrons chauds alors qu'un enfant me courrait après en me demandant je ne sais trop quoi. Ne pas savoir que faire, et ne rien faire... 

Un plaisir hors de prix ?

Être avec son amie, parler des heures et des heures...


Un plaisir défendu ?
Fumer à l'aéroport en attendant ses bagages. Pas défendu sur place, mais défendu dans tous les autres pays que j'ai eu l'occasion de faire. 


Un plaisir surestimé ?
Avoir l'argent (ou faire un crédit) pour faire de la chirurgie esthétique : les Beyrouthines n'en sont pas forcément plus belles.   

Un plaisir à venir ?

Faire tirer mes photos et revivre mon voyage.  

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